S’il fallait croire
Suzy Cohen
Pour
Denys-Louis Colaux
Ce que, s’il fallait croire,
Je croirais avoir été
Mon amour
Nous n’avons pas pu tenir la promesse formulée quelques temps avant ton départ de relire ensemble Le loup de steppes de Hesse.
Notre vie devait rester en compagnie et sous la sauvegarde des livres, ensemble, dans une proximité étroite et amoureuse, dans une lecture partagée, intense et troublante, nous nous rapprochons l’un de l’autre et le territoire de la parole et de la pensée s’ouvrait à nous, intime et bouillant comme un temps d’aventure et d’exaltation.
Cela faisait partie de notre lien et d’une aptitude commune à échanger dans l’intelligence et le rire, le sarcasme, l’ironie, le feu des mots et du style.
Il y avait une sensualité profonde et raffinée dans cette lecture double et tout près du souffle de l’autre, de son corps, de sa voix. La tienne était superbe et posée.
Les personnages d’Harry Haller et Hermine étaient pour nous.
Les œuvres de Moreau avaient pris des couleurs inconnues encore, lues dans mon lit ou le tien, la nuit avec des rires, des soupirs épatés, des distinctions de formules, des saluts respectueux. Et ces instants heureux et fous, tonitruants, essoufflée à la lecture des Mauvais juifs de Gérald Shapiro nous permettaient de sentir à quel point, nous nous aimions au cœur d’une connivence et d’un accord.
Une entente en miroir et en stéréo. Cette expression d’amour mutuel rare et presque hypnotique était incomparable. Faite de pics d’intensité, de climat et d apogée qui révélaient d’une façon affolante la correspondance entre deux êtres. La peau elle-même vibre et tressaille dans ces circulations d’émotions et de sensations.
Je sens aujourd’hui comme une nécessité vitale de célébrer cela comme le souvenir d’instants d’effervescence, de proximité dans le dessin mêlé à l’écrit.
Nous avons peint ensemble, l’aventure commune de l’expérience des coulées, de l’observation minutieuse des rendus.
Nous allions comme des abeilles aux fleurs et aux calices comme des enfants exaltes, quelque chose de l’ordre du frisson, du jeu, du hasard et de la création présidait à ces moments de fête.
C’était le lieu de reconnaissance de l’autre, d’une invitation à la visite et au partage… et tu écrivais sur ces peintures comme personne ne le fera jamais.
Il faut rendre justice au sacré
Hors de toute religion… celui qui permet
D’aller à l’essentiel, de se sentir élue
Les jours où les vents sont favorables
....
Parfois la nuit, un grand homme vient jouer du violon face à ma fenêtre, je ne sais s il s’agit d’un rêve mais l’image existe.