Franck
Sylvie Dazy
Pour
Franck Balandier
J’ai connu Franck il y a un bail. Il me semble qu’il a toujours été le même, dans les grandes lignes, drôle et désabusé, tendre et acerbe, égocentré et attentif aux autres, il aimait prendre la mer, cet élément calme et hostile: un paradoxe sous cheveux blancs.
Je me suis fâchée avec lui, il était impossible de ne pas se fâcher avec lui; à un moment, vous, la situation, l’habitude l’agaçaient et il jetait, c’était rude venant d’un si chaleureux. Mais son trait dominant c’était l’humour, parfois mordant, avec lui-même aussi.
Les idées se bousculaient, Dieppe, La Rochelle, Paris, quatre romans en même temps, trois enfants, cinq épouses qu’il a aimées avec ferveur. Et tout ce que j’ignorais comme envies, projets, investissements, que seul le crabe a anéantis.
J’émets des hypothèses. Franck n’était pas un homme heureux. Il avait cette vision des hommes et de la vie qui ne le permet pas. Il se disait sans amis. Le casier où repose son urne a été vandalisé, on y a pris quelques objets déposés par des amis, je l’entends d’ici s’énerver contre ces salopards. Mais il aurait bien ri de se retrouver entre deux stars, Manu Dibango et Gaspard Ulliel, mérité aurait-il ajouté! Il avait l’humour féroce qui colle au désespoir. L’énergie d’un immortel.
Je suis contente qu’il se soit éteint avec Delphine, enfin dans une eau sereine, à peine sorti de son magma volcanique. Pour leur mariage, il avait commandé un énorme gâteau couronné de phallus en biscuit.
Où qu’il soit, Franck Balandier bande encore.