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Adieu, Francis…

Daniel Laroche

Pour 

Francis Dannemark

« Un jour, amis très chers, nous n’aurons plus rien à nous dire et même moi, le grand bavard, je me tairai, mais faut-il déjà commencer et s’en tenir à la musique des mots qui coule seule comme la rumeur du fleuve ? » (Choses qu’on dit la nuit entre deux villes). Sur un ton apparemment léger s’enchainent ici quelques préoccupations caractéristiques de l’auteur : grand prix donné à l’amitié, pressentiment de la mort, place vitale de la parole échangée, fuite conjuguée de l’eau et du temps, mélancolie, poésie-musique plutôt que poésie-pensée, sans oublier ce penchant à philosopher en douceur…


En version poétique comme romanesque, Francis Dannemark n’a cessé de reprendre ces hantises et quelques autres, de les déployer, de les réinterpréter, convainquant le lecteur de leur extrême importance – qu’il ne démontre jamais. Son appréhension du monde est constamment nostalgique, mais l’objet de cette nostalgie est divers, mouvant. Ouvrons le recueil Les eaux territoriales, le roman Mémoires d’un ange maladroit ou l’anthologie La longue course : y reviennent en réminiscence les effluves de jazz, les livres de F.S. Fitzgerald et de la Beat-generation, les films américains des années 50, les poèmes de J. Keats, à quoi s’entremêle le souvenir personnel d’amours passées.


Toutes ces prédilections ne procèdent pas d’un choix rationnel et délibéré. Francis, qui a entrepris son premier roman dès douze ans, est d’emblée allergique aux contraintes administratives, à la routine professionnelle, au cloisonnement social. Nombreux, heureusement, sont les livres, les airs de musique, les images artistiques qui lui donnent ce que le monde réel lui refuse. Prolongeant la soif d’échanges et de liberté si chère aux adolescents, il trouve dans l’écriture et l’édition la seule forme d’activité qui lui soit supportable – et qui, de plus, l’aide à supporter les difficultés de la « vraie » vie.


Car, si l’on y réfléchit bien, même les circonstances apparemment les plus ordinaires et les plus simples peuvent se révéler redoutables ou merveilleuses. Aussi faut-il sans cesse guetter l’inattendu dans le banal. Si l’amertume n’est pas absente des textes de Francis Dannemark, elle y reste discrète, comme estompée par un désir constant de charmer, de multiplier les raisons d’espérer, de faire confiance à la vie malgré tout. Poésie et fiction comportent donc chez lui une fonction consolatrice. Mais au fait, ses livres vont-ils nous consoler de son départ ultime le 30 septembre 2021 ?

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