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À Marcel Moreau, que j’ai perdu

Paloma Hermine Hidalgo

Pour 

Marcel Moreau


Je me sens, mon ange, de ces tendresses brûlantes, mais pures, cette même ivresse qui, gamine, me liait à ton Verbe. Soixante ans d’écart. De proximité. Et moi, si sensuellement éprise de ton art, goûtais ce lien, filial, qui me rivait à toi pour m’y tenir captive, par-delà toute défiance. Marcel, je n’aimais que toi; qu’est-ce qu’un père aboli? A-t-il été?


Ton œil décelait une convoitise rieuse, un repos dans l’orgie, qui t’apparentait aux ogres lascifs. J’aimais ton stupre, m’y blessais sans gémir; il restait doux à mon obscurité, moi qui sentais, sans comprendre, qu’un fol amour aurait pu, aurait dû se nouer, quelque chose, entre nous, d’une geste courtoise.


Ton empire, Marcel, tes dons radieux pour l’anarchie étaient l’or et la foi indéfectible de ma candeur. Tes gammes aux sons wallons me causaient, dans ta “piaule”, un vertige; et quand j’en étais loin, un supplice, dont dérivait ma secrète humeur: instincts qu’une lolita, dans sa petite crânerie, n’interroge guère.


J’avais, nymphette, de ces désirs de prose — câlins dans ta langue corail, où j’aurais (Jésus!) laissé mon âme, et qui, souvent, boudait ma soif. Nos choses de paumes et de lèvres, de douceurs versées comme une potion de druide, de baisers accrus comme la nuit pour cette joie d’éclater, pour l’infini du secret et des étreintes figées, je les trouvais dans ton chant. Rien ne m’était plus cher que ce que tu pépiais, et qui, maintenant, me déserte, oui, si grêle, l’écho, que je ne l’entends plus.


Père, tu m’esquives, et avec toi la grâce. Parâtre de conte dont il ne reste qu’un chant — le revivre, ce chant, l’épingler dans mon crâne, papillon frais.


Seul existe l’amour que je te voue, reliée à ta pensée par nos tendresses défuntes. Et qui, toujours, me rivent à ton génie.

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